Soirée Kylián

Chorégraphie : Jiří Kylián

Distribution : Ballets de Monte-Carlo

Bella FIgura-ph.Alice Blangero

Trente ans représentent une étape importante. A l’occasion de cet anniversaire des Ballets de Monte-Carlo, leur directeur Jean-Christophe Maillot, à la tête de cette compagnie depuis 1993, a invité Jiří Kylian à concevoir un programme qui puisse témoigner de cet événement tout en mettant en valeur les qualités de la compagnie monégasque.

Cette collaboration a donné naissance à une soirée anniversaire composée d’un triptyque de ballets : Bella Figura, Gods and Dogs and Chapeau, les deux premiers plus connus et plus représentatifs de l’esthétique de Kylián et le troisième, une vraie surprise pour le public, plus original de par son extravagance.

Bella Figura reste un chef d’œuvre que les danseurs ont interprété de manière remarquable. Ce ballet représente un voyage dans l’espace-temps et la lumière et questionne l’ambiguïté esthétique de la représentation. En fait, comment trouver la beauté dans une grimace ou bien dans une contorsion physique ? Où sont les limites entre la représentation de l’imaginaire et la réalité ? Cette œuvre veut analyser cette zone indéfinie à laquelle nous sommes confrontés dans notre monde quotidien. Le titre Bella Figura, qui est une expression italienne utilisée pour indiquer un comportement forcé de politesse et d’élégance qu’on est obligé d’adopter dans des situations difficiles, nous met face à deux univers coexistants. Kylián nous présente à travers des images, parfois étranges, des moments surprenants où le rêve et la réalité ne font plus qu’une seule entité.

Une femme presque nue qui se retrouve dans les plis du rideau noir ou deux autres qui timidement et délicatement n’arrivent pas à se toucher, en se mettant mutuellement en mouvement, sont sources d’imagination pour la création d’un univers où beauté, sensualité et élégance côtoient disharmonies et ruptures évidentes. De très beaux duos exaltent les figures humaines à la recherche d’une harmonie contrastée qui se manifeste par le biais d’un langage chorégraphique essentiel et rigoureux. Chaque mouvement est parfaitement étudié musicalement. Pergolesi, Vivaldi, Torelli, Marcello et Lukas Foss sont les auteurs choisis par Kylián. Leur musique contribue à nous conduire dans un espace élargi, aéré et tridimensionnel et les décors, alternant rideaux noirs et pans de lumières dorés, corps dénudés et jupes d’un rouge incandescent, nous révèlent l’ambiguïté entre le visible et l’invisible. Bella Figura est une pièce étrange et surréaliste, un travail sur le clair-obscur, sur la dualité entre le rêve et la réalité mais qui s’adresse aussi de manière plus générale aux danseurs pour montrer toute leur vulnérabilité.

Dans Gods and Dogs l’esthétique de Kylián touche à son apogée : un rideau perlé ondulant à l’unisson avec les musiques de Beethoven et exalté par des jeux de lumières constitue le décor ; duos intenses où les corps cherchent à se réunir et à se toucher avec une gestuelle raffinée pour enfin s’éloigner ; une vidéo presque troublante qui montre la course d’un molosse contraste avec l’harmonie de la danse. Ce ballet dont la poésie à la fois visuelle et silencieuse émeut reprend la vision dualiste de la première pièce, constituant une représentation de l’amour et de la mort, du noir et du blanc de notre existence.

La dernière partie de la soirée est d’un tout autre registre. Un documentaire d’occasion riche d’humour et d’ironie, Oskar, créé Jiří Kylian par  pour les trente ans de la compagnie et interprété par Jean-Christophe Maillot et Bernice Coppieters nous transporte dans une atmosphère plus festive et constitue une sorte de prologue pour Chapeau.

Cette pièce fut créée pour le vingt-cinquième anniversaire du jubilé de Sa Majesté la Reine Beatrix, à l’occasion de la dixième édition du Holland Dance Festival en octobre 2005.

 Jiří Kylian s’inspire de la fameuse collection de chapeaux de la Reine pour imaginer un ballet riche de dynamisme, joie et couleurs. Les chapeaux portés par les danseurs sont tous des reproductions originales et deviennent des éléments fondamentaux de la chorégraphie. Sur les musiques très rythmées de Prince (Musicology, On the Couch et The Work), les interprètes avec leurs jupes dorées dégagent une énergie et un enthousiasme incessants, des pas de danse jazz enrichissant la chorégraphie.

Le final voit apparaître au milieu de la scène Bernice Coppieters (dans le rôle qui fut de la célèbre muse de Kylián Sabine Kupferberg), qui porte sur sa tête le plus extravagant des chapeaux : une sculpture de Susumu Shingu (sculpteur japonais et ami de Kylián, qui avait signé aussi le décor de Toss of a Dice en 2005), composée de petits voiles colorés et d’hélices tournantes. Avec cette image riche d’humour le rideau se besse. Les Ballets de Monte-Carlo ont su faire vivre ce riche programme avec une très grande intensité.

Monaco, Grimaldi Forum, Salle des Princes

 

 

 

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